Lek & Sowat : 12 ans à faire le mur

Par Camille Bois-Martin • le 20 avril 2022
Le street art envahit l’atelier Grognard à Rueil-Malmaison pour une rétrospective explosive du duo Lek & Sowat. Comme un catalogue raisonné (et déraisonnable), l’exposition revient sur leurs plus ambitieux projets, de 2010 à 2022.
Exposition « Lek & Sowat : duography » à l’Atelier Grognard.

Lek & Sowat

S’approprier l’espace sans jamais l’oublier : c’est ce qui distingue le travail de Lek & Sowat, à mi-chemin entre le street art et l’urbex. Quand Mathieu Kendrick (alias Sowat) rencontre Frédéric Malek (alias Lek, alors déjà connu) en 2010, c’est une évidence : le binôme partage une même appétence pour l’exploration et le graffiti. Ils sont allés partout, d’Europe en Asie en passant par le Moyen-Orient, sillonnant des lieux abandonnés comme des musées. Et ils ont touché à tout ! Peinture, vidéo, installations… Chacune de leurs interventions a été immortalisée par des photographies ou des objets-souvenirs qui nourrissent aujourd’hui une exposition rétrospective à l’atelier Grognard de Rueil-Malmaison, conçue par les artistes eux-mêmes, résumant leur travail en cinq grandes étapes.

Café à la main, Sowat nous prévient : il n’a jamais fait de visite guidée et, à vrai dire, il ne sait pas tellement par où commencer. Premier arrêt, et première entreprise commune, le Mausolée (2010–2012) : des dizaines de photographies retracent sur les cimaises cette folle aventure parmi les débris d’un ancien supermarché parisien, un espace de 40 000 m2, quasi-inaccessible, où ils vont alors inviter une quarantaine d’artistes graffeurs.

Peintures par Lek & Sowat, Dem189 et Seth, Stèle, Le Mausolée, Paris, 2019

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« Faites venir des graffeurs contemporains à la place des historiens, et on verra bien ce qu’il se passe ! »

Armés de bombes de peinture et d’un esprit collégial, Lek & Sowat ont aussi transporté le graffiti jusque dans les plus grandes institutions : au Palais de Tokyo en 2012, sur la façade du Centre Pompidou en 2021, mais aussi à la très sélecte Académie de France à Rome en 2015, qu’ils ont été les premiers à intégrer en tant qu’artistes issus du graffiti. « Un jour on s’est retrouvé dans le salon du directeur de la Villa Médicis [Éric de Chassey, NDLR] à minuit. Sur une table basse, on voit le livre Graffiti : inscrire son nom à Rome de l’historienne Charlotte Guichard, écrit pendant sa résidence à la Villa. Inspirés, et un peu culottés, nous lui avons demandé alors de nous prendre, nous aussi, à Rome. Nous lui avons dit : « Faites venir des graffeurs contemporains à la place des historiens, et on verra bien ce qu’il se passe ! » ».

Exposition « Lek & Sowat : duography » à l’Atelier Grognard, salle du projet au Palais de Tokyo.

C’est avec le même aplomb que les deux complices ont mené tous leurs projets. Ainsi au Palais de Tokyo ont-ils conçu leur exposition comme un « cheval de Troie », dont on retrouve quelques témoignages dans la seconde salle de l’atelier : une chaise taguée par Hugo Vitrani (alors commissaire de l’exposition), un extincteur volé, une collection de badges de sécurité… Invités par le musée, Lek & Sowat ont utilisé ce prétexte pour y rester : usant de leur passe-droit, ils ont invité des amis artistes et ont envahi le Palais jusque dans ses conduits d’aération.

Devant la façade du Centre Pompidou, rue du Renard, l’une de leurs dernières réalisations traduit cette impression de ne toujours pas être légitime malgré tout : sur des panneaux de 140 mètres de long, à hauteur de regard, s’affiche la phrase « J’aurais aimé être un artiste ». Dans le contrat signé avec le musée, il était stipulé que ce dernier ne pouvait être tenu responsable de toute dégradation de l’œuvre : et là se trouvait justement le cœur de l’installation ! Graffeur amateur ou simple passant, tout le monde pouvait être artiste, s’insérer dans ce « cadavre exquis urbain ».

Lek & Sowat, « J’aurais voulu être un artiste », 2021
Entre les murs de l’atelier Grognard, la carrière déjà longue de Lek & Sowat s’expose ainsi par bribes dans une scénographie kaléidoscopique. Extraits de leur collection personnelle, les objets et images recomposent l’histoire du duo. Une lettre, des polaroïds, des bombes de peinture vides, des vêtements tâchés… Aujourd’hui, c’est au visiteur d’explorer les ruines de leurs projets et, peut-être, de partager leur goût pour l’urbex.

Lek & Sowat. Duography

Du 2 avril 2022 au 3 juillet 2022
www.rueil-tourisme.com
Atelier Grognard • 6 Avenue du Château de la Malmaison • 92500 Rueil-Malmaison
www.villederueil.fr

https://www.beauxarts.com/expos/lek-sowat-12-ans-a-faire-le-mur/