Cet article a été publié sur LeMonde.fr du 6 décembre 2024.

Design : les objets invitent au voyage à Rueil-Malmaison

Un « tour du monde en 80 objets », voici ce que propose l'atelier Grognard avec cette exposition de pièces iconiques du design et d'objets d'artisanat populaire du collectionneur Alexander von Vegesack. Vue de l'exposition « Le Tour du monde en 80 objets », à l'Atelier Grognard, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

A un jet de pierre du château de Malmaison, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), l'atelier Grognard, une ancienne fabrique de plaques de métal pour la photogravure, datant de l'époque Eiffel, invite à un voyage immobile, avec 80 pièces de design, d'art et de folklore, puisées dans les trésors du
collectionneur d'origine allemande Alexander von Vegesack. Lui et son bras droit Mathias Schwartz-Clauss ont orchestré cette exposition, « Le Tour du monde en 80 objets », qui donne à rêver et à réfléchir.

D'une selle de dromadaire de Mauritanie à une calèche fabriquée par une communauté amish en Amérique du Nord – la plus grande pièce de l'exposition –, des tables gigognes de Marcel Breuer à une radio portative de l'Allemand Dieter Rams, en passant par un fichu ouzbek « aux motifs de Sonia Delaunay » , acheté dans un bazar d'Istanbul : voilà, offerts sur le même plan et de façon réjouissante, du design et de l'artisanat populaire de tous pays.

Les pièces iconiques de design ne manquent pas, de la chaise en S (1959), de Verner Panton, au fauteuil Corallo (2004), des Brésiliens Fernando et Humberto Campana. Quelques-unes sont très rares, comme ce fauteuil 4801 de 1964 créé par Joe Colombo, avec ses trois pièces de bois courbé, emboîtées sans colle, ni clous ni vis, ou encore ce fauteuil de Ron Arad en bois plié, le seul qu'on lui connaisse, cet as de la tôle ayant, un jour de 1991, relevé le défi de se confronter à un autre matériau. Sans compter, datant de 1923, cette chaise de piano, une juxtaposition de bois laqué rouge et de cuir naturel, de Gerrit Thomas Rietveld, un influent représentant du groupe néerlandais De Stijl qui a su décliner l'abstraction dans le mobilier.

Des mariages insolites sont portés par la scénographie, comme cette moto carénée BMW de 1964 – au service de la gendarmerie française de l'époque –, installée à côté du tabouret Mezzadro (1957), des Italiens Achille et Pier Giacomo Castiglioni : un siège de tracteur juché sur une tige d'acier plat, ready-made révolutionnaire. Ou cette valise en bois de 1920 posée à côté de cette table de camping de 1950 en contreplaqué et aluminium, qui se referme telle une valise, avec ses poignées de cuir sur le côté. « J'aime, dans chaque exposition, créer des liens inattendus pour permettre au public d'ouvrir son regard sur les créations de tout origine ou statut » , souligne Mathias Schwartz-Clauss.

Tabouret Mezzadro d'Achille et Pier Giacomo Castiglioni (1957), en tôle d'acier laquée, acier plat chromé et hêtre. ANDREAS SÜTTERLIN/ALEXANDER VON VEGESACK/CIRECA

En filigrane, ce voyage autour du monde résume la vie aventureuse du collectionneur Alexander von Vegesack (79 ans), dont l'amour du design est né autour d'une première chaise Thonet en bois courbé. Un film dans l'exposition en retrace les grandes étapes : du jeune Allemand baba cool, créateur d'une boîte de nuit-salle de théâtre-restaurant, la Fucktory, au fondateur du Musée Vitra, à Weil am Rhein (Allemagne), dont il sera le directeur, de 1988 à 2011, jusqu'à l'inventeur de
Boisbuchet , une école nichée à Lessac, dans la campagne charentaise, qui fait salle pleine – chaque été en plein champ –, avec ses ateliers conduits par des créateurs stars, de l'architecte japonais Shigeru Ban à la designer française Matali Crasset.

« Je collectionne depuis toujours des pièces signifiantes pour l'histoire du design, incarnant l'essor soudain d'un matériau ou d'une technologie , souligne Alexander von Vegesack. Mais il faut faire dialoguer le fameux et le plus simple, pour montrer que la beauté se trouve partout et que nous sommes tous des créatifs en puissance : il suffit de développer son oeil et d'entraîner sa main. »
Cette exposition, qui avait d'abord été conçue pour Boisbuchet, entame ici sa tournée hors les murs. Une bonne nouvelle quand ce centre international de recherche en design et architecture, malgré son rayonnement culturel international, ne dispose plus d'aides de l'Etat depuis deux ans.

« Le Tour du monde en 80 objets » , jusqu'au 23 février à l'atelier Grognard, 6, avenue du Château de-la-Malmaison, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).